lundi 19 mars 2012

Solo

Ça fait plus d'un mois que je n'ai pas écrit de billet.  J'avais une raison très précise, en fait, un défi à relever.  


Depuis janvier, je suis le premier violoncelle de l'orchestre St-Pierre-Fusterie.  Et dans le programme que nous préparions ce printemps, il y avait un solo de violoncelle, solo de près de 2 minutes...  Je trouvais ça assez motivant comme expérience moi qui n'avais pas joué solo devant des gens depuis l'âge de 15 ou 16 ans. 


J'ai donc beaucoup travaillé à la maison et avec mon professeur.  Il y a de ça, un mois, j'ai finalement, répété ce solo pour une première fois avec l'orchestre.  Et là, ça été un moment catastrophe tant musicalement qu'émotivement.  Quatre secondes avant le moment crucial, les signes vitaux, se sont emballés. Les battements du coeur, les tremblements, la sueur, la boule au ventre.  Pourtant, une minute avant j'étais tout à fait normale.  Les premières 12-15 notes ont été toutes fausses et ensuite, je me suis reprise mais l'ensemble était plus que boiteux.  


Un fois terminée, j'étais plus capable de jouer une seule note, ni capable de tenir une conversation.  Cette expérience m'a hantée la nuit.  Et j'ai concocté mon premier plan de match.  


Aller jouer à la gare, question de me désensibiliser.  David a semblé inquiet...pour la sécurité de mon violoncelle.  


Je suis passée au plan B.  Jouer devant des gens pas tout à fait inconnus.  J'ai donc demandé à ma plus que sympathique voisine italienne qui est venue faire office de public à 2 reprises.  J'ai aussi demandé l'aide d'un collègue violoncelliste dont la femme est violoniste professionnelle.  Je suis allée chez eux vendredi dernier pour leur faire un concert privé.  


J'ai aussi commandé et lu le livre Vaincre le Trac de M. Ricquier1,  afin de comprendre et de trouver des trucs pour m'aider.  2 techniques que j'ai retenues : la visualisation c'est à dire, travailler intérieurement, vivre le moment en détail dans sa tête chaque jour pendant 3 semaines, sentir chacune des notes, les doigts mais aussi les félicitations du chef...


L'autre technique est de s'imaginer dans un des moments où on était bien, confiant en soi et en la vie et au moment culminant, de l'associer à un mouvement (serrer le point par exemple).  Au bout d'un moment, seulement le mouvement finit par induire la sensation de bien-être (très pavlovien).  


Le concert était hier, le 18 mars. Nous enregistrions ce concert, devant public, pour en faire un disque afin de le vendre à nos fans.  Au raccord, j'étais passablement stressée.  Mon coeur battait en chamade.  Mais avant le concert, j'ai discuté avec la première violon (une professionnelle ) et elle m'a dit: Cynthia, on va se faire plaisir.  Il faut savoir que dans cette 4e pièce de la suite du Lac des Cygnes, le violon débute par un solo, l'orchestre embarque pour un petit moment et ensuite, suit le solo de violoncelle secondé par le violon qui vient dialoguer avec le violoncelle qui a la ligne mélodique.


Est enfin venu LE moment.  Lors du solo de violon, j'ai fermé les yeux et suis rentrée dans une bulle en pensant à moment où je m'étais bien sentie.  Un état de quasi sommeil.  Quelques secondes avant de passer à l'action, j'étais détendue. Je me suis exécutée et les notes sont sorties, justes.  Le vibrato et les démanchés un peu raides mais rien de choquant.  


Le collègue violoncelliste venu m'écouter m'a dit même que c'était mieux que quand j'ai joué chez lui.  Je suis contente de ma performance et de l'avoir fait.  Mieux encore, j'ai tellement travaillé que en 3 mois, j'ai fait un progrès considérable et ça, c'est un acquis qui dure plus longtemps que 2 minutes.  


Pour ceux que ça intéresse, ce solo n'est pas sur YouTube mais vous pouvez l'acheter sur  iTunes  (le lien mène directement vers la toune).  Le solo en question est à la 4e minute.



1 - Professeur à l'école nationale de musique de Chambéry